Textes

Le projet de la Ruche à sons, conçu par Benjamin Bondonneau, Sébastien Cirotteau et Benjamin Maumus est constitué d’une suite d’étapes qui se relient de manière tout à fait organique les unes aux autres, comme s’il s’agissait d’une application de principes modulaires susceptibles d’engendrer toutes sortes de ramifications. Conjointement à la réalisation des premières pièces de la série, qui s’apparentaient à des œuvres plastiques en trois dimensions, les trois artistes ont imaginé leur mise en espace avec, toujours à l’esprit, un contrepoint sonore, au sens le plus large du terme, c’est-à-dire incluant l’environnement acoustique lié au monde des abeilles. L’événement du 16 mars, qui tenait tout à la fois de l’installation, de la performance et du concert, a étendu le propos initial dans un sens quasi architectural, dans la mesure où la réflexion plastique sur les conséquences de la forme hexagonale les ont conduit à élaborer un espace de jeu musical qui devient une manière de réceptacle, rejoignant ainsi les préoccupations d’Iannis Xenakis pour ses Polytopes et Diatopes, même si leurs options esthétiques apparaissent tout à fait différentes. Par rapport à un tel espace, le jeu entre les notions d’extérieur et d’intérieur s’est révélé particulièrement subtil. En tant qu’auditeurs-spectateurs, faisant face à cet « édifice », nous nous situions hors du lieu réservé à l’action musicale. Nous pouvions toutefois apercevoir occasionnellement les gestes et déplacements des musiciens, un peu comme des ombres chinoises, et cette relation complexe entre ce qui était partiellement visible et ce qui était dissimulé contribuait à apporter un relief particulier, parfois ambigu, aux éléments sonores pré-enregistrés.
Jean Yves Bosseur, directeur de recherches CNRS, compositeur et musicologue


Plutôt qu'un espace représentatif, la Ruche à sons est un intervalle entre l'homme de la pensée et l'homme animal, entre l'art et la vie. En prélude à ce projet il y a, peut être, le besoin d'un renouvellement qui permet de rejoindre une réalité si proche et pourtant invisible.
Le rêve aussi d'interroger, de concevoir une harmonie entre la nature et le sentiment intérieur. La structure ainsi conçue, qui est donnée à voir, à écouter, à investir; figure tout à la fois un capteur, un décodeur et un transmetteur d'activités dont la part d'inconnus est la source même du processus de travail.
Parties cachées
Espaces indistincts
La relation à la nature est là suggérée plutôt qu'indiquée. Bien sur, le terrain commun entre l'homme et l'abeille est sa fonction de travailleur. Au cours de la prestation concertante il y a des "gestes" enregistrés qui concernent les abeilles et les voix et des gestes en présences cachées pour les musiciens. Il nous est offert de trouver leurs correspondances car tout en se répondant et se confondant parfois , ils restent bien distincts quand aux buts même de leurs actions.
Il y a le souffle des instruments qui est fait du même air que celui qui porte les abeilles. Nous écoutons leur bourdonnements enregistrés, mais elles, l'entendent elles aussi?
Les signes les plus probants sont ceux qui nous séparent le plus.
Autant rejoindre notre subjectivité d'où émerge des formes confusément voilées qui habitent dans cette Ruche/intervalle.
La juxtaposition de ces deux mondes si proches et séparés finit par créer chez l'auditeur une sorte de sentiment de neutralité qui favorise subtilement l'ouverture à un autre état de perception.
Les yeux et  les oreilles sont devant, l'esprit derrière.
La structure elle même envoie des signaux lumineux. Un code valable seulement dans l'instant et pour une seule occasion. Il s'articule comme une action d'écriture automatique qui s'efface  dans le moment même où il surgit.
Ses éclats se mêlent aux clarinette, trompette, hauts parleurs, aux bruits, aux voix et, pour peu qu'on leur laisse un passage ils rentrent en nous.
Dès lors, toute cette calme agitation se met à exister à l'intérieur de notre corps.
C'est précisément dans cette conscience que l'on réalise  que "La Ruche" est en nous même. 

Michel Doneda, musicien, poète